COMMENT SE PORTE LE LIVRE ?
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COMMENT SE PORTE LE LIVRE ?
Interview de Serge EYROLLES (*) président du Syndicat de l'Edition:
Comment se porte le Livre ?
Cette année encore, le livre se porte bien, par rapport aux autres biens culturels ; 2006 sera une année stable par rapport à 2005. La difficulté reste de faire connaître nos livres. Les émissions littéraires ont disparu, les suppléments littéraires des journaux n'ont pas beaucoup évolué. C'est pourquoi je crois aux nouveaux lieux de convivialité du livre : librairie/salon de thé, librairie/bistro ou librairie/galerie.
Quels sont les tirages moyens des livres ?
Les tirages moyens se situent entre 7 000 et 8 000 exemplaires contre 20 0000 il y a quinze ans. Du côté des livres techniques, nous sommes passés de 5 000 à 3 000 exemplaires. L'écart est moins flagrant mais significatif. Les progrès technologiques ont permis des réajustements, avec des réimpressions faciles et rapides.
Quel avenir pour les petits éditeurs ?
Les concentrations d'éditeurs se poursuivent, mais dans le même temps, le nombre des petits éditeurs augmente. Avec 60 000 nouveaux titres, les nouveautés ont doublé en quinze ans. Il y a donc une surproduction éditoriale, et un vrai problème de distribution.
Et les libraires indépendants ?
Ils rencontrent surtout des problèmes de retours. Lors des rentrées littéraires, certains cartons repartent sans avoir été ouverts. Ayant en moyenne 1 000 éditeurs dont 800 petits, ils croûlent sous la paperasse. Nous cherchons à aider les petits éditeurs à diffuser leurs livres efficacement et en flux tendu. Pour cela, nous avons créé une structure de diffusion sans stock, baptisée « Calibre », qui vient de débuter.
Les libraires doivent devenir aussi compétitif qu'Internet, qui fait livrer sous 48 heures. Nous testons les livraisons de nuit, à Paris, où 18 libraires participent à l'expérience. N'oublions pas que les libraires indépendants réalisent 40 % des ventes totales de l'édition et restent à égalité avec les grandes surfaces. Le prix unique du livre a sauvé les éditeurs spécialisés et joué en faveur des libraires indépendants. Mais ils ont du mal à rester en centre-ville pour y maintenir une vie culturelle, cinémas et magasins de musique y ont déjà disparu.
Internet soulève beaucoup de polémiques, qu'en pensez-vous ?
Internet doit rester un canal de vente complémentaire pour les ouvrages que les libraires n'ont pas en stock, notamment pour les livres techniques et scientifiques. Offrir des extraits sur Internet peut déclencher un acte d'achat. Chez Eyrolles, ces ventes représentent 5 %. Certains auteurs refusent de céder les droits pour une version numérique vendue. Quelques-uns mettent gratuitement leurs livres en ligne. Il est alors difficile de les vendre.
Où en est Europeana ?
La bibliothèque numérique européenne Europeana est encore en gestation. Les ouvrages sous droits resteront la propriété des éditeurs, qui pourront accepter ou non de les laisser numériser. Les enjeux sont considérables, car tous les grands portails pourront s'y connecter. En quelques années, la copie numérique gratuite a fait perdre à la musique 40 % de son chiffre d'affaires. Il faut être vigilant.
Le « E-book » est de retour. Le succès sera-t-il au rendez-vous ?
Les journaux qui passent au format numérique cherchent du contenu, des livres, des bandes dessinées, des mangas à offrir à leurs lecteurs. Mais le concept ne semble pas tout à fait prêt. Le projet des Échos est reporté à la rentrée. Voici quelques années, le « E-book » de Cytale n'a pas eu le succès escompté. L'appareil était convivial, mais lourd, cher et difficile à utiliser. Il faudra attendre encore quelques années pour voir finaliser le projet « E-ink ». Lire un roman sur un écran, je n'y crois pas. Le livre papier est par définition nomade, dans une bibliothèque, il reste un bel objet. Pour utiliser un « e-reader », il faut rester à proximité d'une prise, car les batteries n'y suffisent pas. Cet appareil ne provoque pas l'émotion que peut faire naître un livre. Selon les contenus, la somme à investir pourra aller jusqu'à 800 euros... Pour la même somme, on peut achèter un grand nombre de livres imprimés !
Imprimeurs et éditeurs français ont-ils une carte à jouer ensemble ?
Malgré le changement du paysage éditorial, nous avons réussi à maintenir la cohésion et l'unicité du syndicat dans l'intérêt du livre papier, aujourd'hui, et du livre numérique, demain. Le livre reste un produit de société non dévalorisé et le premier secteur culturel. Informés par les fournisseurs papetiers et imprimeurs, les éditeurs sont attentifs aux questions d'écologie, même si les logos ne sont pas encore apposés. Nous pourrions aborder ensemble, imprimeurs et éditeurs, certains dossiers.
Comme l'impression des livres français en Chine ?
Comme la main-d'oeuvre y est moins payée, les coûts de fabrication sont moins élevés. Pour les éditeurs qui ont beaucoup de temps pour réaliser des ouvrages très illustrés, je comprends que cette solution soit intéressante. Mais il faut favoriser les imprimeurs français, qui ont amélioré pour nous leurs prestations et qui jouent cartes sur table. Certains étrangers sont allés jusqu'à ouvrir un bureau à Paris pour laisser penser qu'ils sont installés en France. Les imprimeurs français ont beaucoup investi. Quant à faire du vrai livre à la carte, les libraires en rêvent... mais le projet n'est pas mature.
Que penser du fait que les jeunes lisent de moins en moins...
Il y a moins de jeunes lecteurs et les gros lecteurs disparaissent petit à petit. Il faut donc réussir à attirer chez les libraires les jeunes, happés par la télévision et l'informatique ; stopper, dès l'école, l'idée du livre-sanction et retrouver le livre-plaisir. En primaire, les photocopies n'offrent aucune joie au lecteur. En secondaire, le livre prêté est certes, gratuit, mais n'a pas le même attrait qu'un livre qu'on possède et qu'on s'approprie. Les éditeurs scolaires font de beaux livres, mais les enfants ont rarement des livres à l'état neuf. En fin d'année, les cérémonies de remises de prix avec des livres se font rares. Les jeunes, et le grand public, ont besoin de venir à la rencontre des livres et de ceux qui les font. Ainsi, les salons du livre se sont beaucoup développés. Certains pensent que le Salon du livre de Paris devrait se tenir tous les deux ans. Ce serait une erreur économique. Angoulême, Saint-Malo ou Brive sont de vrais succès.
(*) Serge EYROLLES, 60 ans président du groupe familial depuis 1981, il a été élu à la présidence du SNE en 1991 et réélu depuis.
Sous sa conduite, le SNE a défendu le prix unique ; évité la publicité du livre sur les chaînes hertziennes qui aurait favorisé les grands éditeurs ; déplacé le Salon du livre du Grand Palais à la porte de Versailles pour en faire un grand succès populaire ; défendu l'allongement de la durée des droits d'auteurs ; participé au projet de bibliothèque numérique européenne ; défendu la gratuité des livres scolaires ; cherché et mis en place des solutions pour aider les petits éditeurs, promouvoir la lecture tout en participant aux réflexions sur l'avenir du livre et en maintenant l'unité du syndicat professionnel.
L'entreprise EYROLLES : éditeur et libraire, le groupe est également diffuseur. Née en 1925 afin d'éditer les supports de cours de l'École spéciale des travaux publics - qui appartient à la famille Eyrolles, le groupe est aujourd'hui constitué des Éditions Eyrolles (informatique, BTP et vie pratique), des Éditions d'Organisation (livres d'entreprise) et depuis 2004, des Éditions VME (fonds spécialisé en photo et image) ; auxquelles viennent s'ajouter le diffuseur Géodif et des librairies, celle du boulevard Saint-Germain (Paris V e ) ainsi que celle d'Aix-en-Provence. Le groupe gère également les librairies des campus de l'ESCP-EAP, de l'Essec et de HEC. Il est présent sur Internet depuis 1997, dispose d'une plate-forme de vente à distance (Dlivres) et a ouvert en 1999 sa librairie en ligne, www.eyrolles.com. Son catalogue actuel: 2 500 titres. Nouveautés chaque année: 550 titres. Chiffre d'affaires: 44 millions d'euros.
source: CARACTERE, revue des professionnels de l'imprimé
Comment se porte le Livre ?
Cette année encore, le livre se porte bien, par rapport aux autres biens culturels ; 2006 sera une année stable par rapport à 2005. La difficulté reste de faire connaître nos livres. Les émissions littéraires ont disparu, les suppléments littéraires des journaux n'ont pas beaucoup évolué. C'est pourquoi je crois aux nouveaux lieux de convivialité du livre : librairie/salon de thé, librairie/bistro ou librairie/galerie.
Quels sont les tirages moyens des livres ?
Les tirages moyens se situent entre 7 000 et 8 000 exemplaires contre 20 0000 il y a quinze ans. Du côté des livres techniques, nous sommes passés de 5 000 à 3 000 exemplaires. L'écart est moins flagrant mais significatif. Les progrès technologiques ont permis des réajustements, avec des réimpressions faciles et rapides.
Quel avenir pour les petits éditeurs ?
Les concentrations d'éditeurs se poursuivent, mais dans le même temps, le nombre des petits éditeurs augmente. Avec 60 000 nouveaux titres, les nouveautés ont doublé en quinze ans. Il y a donc une surproduction éditoriale, et un vrai problème de distribution.
Et les libraires indépendants ?
Ils rencontrent surtout des problèmes de retours. Lors des rentrées littéraires, certains cartons repartent sans avoir été ouverts. Ayant en moyenne 1 000 éditeurs dont 800 petits, ils croûlent sous la paperasse. Nous cherchons à aider les petits éditeurs à diffuser leurs livres efficacement et en flux tendu. Pour cela, nous avons créé une structure de diffusion sans stock, baptisée « Calibre », qui vient de débuter.
Les libraires doivent devenir aussi compétitif qu'Internet, qui fait livrer sous 48 heures. Nous testons les livraisons de nuit, à Paris, où 18 libraires participent à l'expérience. N'oublions pas que les libraires indépendants réalisent 40 % des ventes totales de l'édition et restent à égalité avec les grandes surfaces. Le prix unique du livre a sauvé les éditeurs spécialisés et joué en faveur des libraires indépendants. Mais ils ont du mal à rester en centre-ville pour y maintenir une vie culturelle, cinémas et magasins de musique y ont déjà disparu.
Internet soulève beaucoup de polémiques, qu'en pensez-vous ?
Internet doit rester un canal de vente complémentaire pour les ouvrages que les libraires n'ont pas en stock, notamment pour les livres techniques et scientifiques. Offrir des extraits sur Internet peut déclencher un acte d'achat. Chez Eyrolles, ces ventes représentent 5 %. Certains auteurs refusent de céder les droits pour une version numérique vendue. Quelques-uns mettent gratuitement leurs livres en ligne. Il est alors difficile de les vendre.
Où en est Europeana ?
La bibliothèque numérique européenne Europeana est encore en gestation. Les ouvrages sous droits resteront la propriété des éditeurs, qui pourront accepter ou non de les laisser numériser. Les enjeux sont considérables, car tous les grands portails pourront s'y connecter. En quelques années, la copie numérique gratuite a fait perdre à la musique 40 % de son chiffre d'affaires. Il faut être vigilant.
Le « E-book » est de retour. Le succès sera-t-il au rendez-vous ?
Les journaux qui passent au format numérique cherchent du contenu, des livres, des bandes dessinées, des mangas à offrir à leurs lecteurs. Mais le concept ne semble pas tout à fait prêt. Le projet des Échos est reporté à la rentrée. Voici quelques années, le « E-book » de Cytale n'a pas eu le succès escompté. L'appareil était convivial, mais lourd, cher et difficile à utiliser. Il faudra attendre encore quelques années pour voir finaliser le projet « E-ink ». Lire un roman sur un écran, je n'y crois pas. Le livre papier est par définition nomade, dans une bibliothèque, il reste un bel objet. Pour utiliser un « e-reader », il faut rester à proximité d'une prise, car les batteries n'y suffisent pas. Cet appareil ne provoque pas l'émotion que peut faire naître un livre. Selon les contenus, la somme à investir pourra aller jusqu'à 800 euros... Pour la même somme, on peut achèter un grand nombre de livres imprimés !
Imprimeurs et éditeurs français ont-ils une carte à jouer ensemble ?
Malgré le changement du paysage éditorial, nous avons réussi à maintenir la cohésion et l'unicité du syndicat dans l'intérêt du livre papier, aujourd'hui, et du livre numérique, demain. Le livre reste un produit de société non dévalorisé et le premier secteur culturel. Informés par les fournisseurs papetiers et imprimeurs, les éditeurs sont attentifs aux questions d'écologie, même si les logos ne sont pas encore apposés. Nous pourrions aborder ensemble, imprimeurs et éditeurs, certains dossiers.
Comme l'impression des livres français en Chine ?
Comme la main-d'oeuvre y est moins payée, les coûts de fabrication sont moins élevés. Pour les éditeurs qui ont beaucoup de temps pour réaliser des ouvrages très illustrés, je comprends que cette solution soit intéressante. Mais il faut favoriser les imprimeurs français, qui ont amélioré pour nous leurs prestations et qui jouent cartes sur table. Certains étrangers sont allés jusqu'à ouvrir un bureau à Paris pour laisser penser qu'ils sont installés en France. Les imprimeurs français ont beaucoup investi. Quant à faire du vrai livre à la carte, les libraires en rêvent... mais le projet n'est pas mature.
Que penser du fait que les jeunes lisent de moins en moins...
Il y a moins de jeunes lecteurs et les gros lecteurs disparaissent petit à petit. Il faut donc réussir à attirer chez les libraires les jeunes, happés par la télévision et l'informatique ; stopper, dès l'école, l'idée du livre-sanction et retrouver le livre-plaisir. En primaire, les photocopies n'offrent aucune joie au lecteur. En secondaire, le livre prêté est certes, gratuit, mais n'a pas le même attrait qu'un livre qu'on possède et qu'on s'approprie. Les éditeurs scolaires font de beaux livres, mais les enfants ont rarement des livres à l'état neuf. En fin d'année, les cérémonies de remises de prix avec des livres se font rares. Les jeunes, et le grand public, ont besoin de venir à la rencontre des livres et de ceux qui les font. Ainsi, les salons du livre se sont beaucoup développés. Certains pensent que le Salon du livre de Paris devrait se tenir tous les deux ans. Ce serait une erreur économique. Angoulême, Saint-Malo ou Brive sont de vrais succès.
(*) Serge EYROLLES, 60 ans président du groupe familial depuis 1981, il a été élu à la présidence du SNE en 1991 et réélu depuis.
Sous sa conduite, le SNE a défendu le prix unique ; évité la publicité du livre sur les chaînes hertziennes qui aurait favorisé les grands éditeurs ; déplacé le Salon du livre du Grand Palais à la porte de Versailles pour en faire un grand succès populaire ; défendu l'allongement de la durée des droits d'auteurs ; participé au projet de bibliothèque numérique européenne ; défendu la gratuité des livres scolaires ; cherché et mis en place des solutions pour aider les petits éditeurs, promouvoir la lecture tout en participant aux réflexions sur l'avenir du livre et en maintenant l'unité du syndicat professionnel.
L'entreprise EYROLLES : éditeur et libraire, le groupe est également diffuseur. Née en 1925 afin d'éditer les supports de cours de l'École spéciale des travaux publics - qui appartient à la famille Eyrolles, le groupe est aujourd'hui constitué des Éditions Eyrolles (informatique, BTP et vie pratique), des Éditions d'Organisation (livres d'entreprise) et depuis 2004, des Éditions VME (fonds spécialisé en photo et image) ; auxquelles viennent s'ajouter le diffuseur Géodif et des librairies, celle du boulevard Saint-Germain (Paris V e ) ainsi que celle d'Aix-en-Provence. Le groupe gère également les librairies des campus de l'ESCP-EAP, de l'Essec et de HEC. Il est présent sur Internet depuis 1997, dispose d'une plate-forme de vente à distance (Dlivres) et a ouvert en 1999 sa librairie en ligne, www.eyrolles.com. Son catalogue actuel: 2 500 titres. Nouveautés chaque année: 550 titres. Chiffre d'affaires: 44 millions d'euros.
source: CARACTERE, revue des professionnels de l'imprimé
COACH D'AUTEURS- Nombre de messages : 175
Date d'inscription : 23/04/2006
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