LES EDITEURS QUI RESPECTENT L'ENVIRONNEMENT
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LES EDITEURS QUI RESPECTENT L'ENVIRONNEMENT
Conjuguer convictions écologiques et réalités économiques dans l’édition
« Comment les éditeurs peuvent-ils s’impliquer dans le respect de l’environnement et le développement durable ? » La rencontre organisée par l’Asford lors du Salon du livre, a permis de passer en revue les multiples aspects de cette question.
Pour cela, Jacqueline Pieters, consultante en arts graphiques et formatrice, avait réuni deux témoins clés : Pascal Lenoir, directeur de la fabrication du groupe Ligaris et président du CCFI (Compagnie des chefs de fabrication des industries graphiques), et Yann Mahé, directeur de production des Éditions Ouest-France.
Leurs interventions étaient appuyées par des témoignages d’acteurs de la chaîne graphique disséminés dans l’assistance.
Papier, encres végétales, bilan carbone…
Une fois rappelées les nombreuses et puissantes raisons qui peuvent inciter un éditeur ou une agence de communication à s’intéresser sérieusement au respect de l’environnement, le débat s’orientait vers les labels et certifications appliqués au papier. PEFC et FSC, Cygne nordique, Ange bleu, Fleur européenne : quels maillons de la chaîne doivent être certifiés ? à quoi correspondent ces appellations ? Et que penser du papier recyclé ? Les progrès faits par les imprimeurs, notamment à travers la marque Imprim’Vert et le recours aux encres végétales, étaient ensuite abordés, et Yann Mahé se réjouissait des relations nouvelles qui se sont instaurées « avec des partenaires très ouverts ». Puis venait l’épineuse question du bilan carbone, associée à l’impression en Asie, au mode de transport, à la surproduction…
L’éco-taxe sur les imprimés et l’amendement Marini du 18 décembre 2007 étaient bien sûr évoqués, mais encore la nécessité de communiquer sur le fond, la difficulté de trouver des données précises, le besoin d’échanger encore…
« On est dans une mini-révolution, mais je pense que les choses peuvent avancer très vite. » Cette affirmation de Frédéric Lisak (voir son interview, ci-dessous), directeur des Editions Plume de carotte, la première et encore unique maison d’édition ayant obtenu la certification de management environnemental ISO 14001, résume bien l’impression produite par les nombreux témoignages et informations échangés.
(Un stage "Fabrication et développement durable", organisé prochainement par l’Asfored, permettra d’approfondir ce sujet.)
« S’engager dans une démarche globale de protection de l’environnement, c’est possible ! »
En 2001, Frédéric Lisak a créé à Toulouse les editions Plume de carotte. Entouré de six autres personnes, il édite des livres sur la nature, les plantes et les relations des hommes avec elles. Sa petite maison d’édition a obtenu fin janvier 2008 la certification de « management environnemental » ISO 14001. Que représente cette certification ? quel en est le coût ? quels en sont les avantages ? Surpris d’être le seul éditeur à s’être lancé dans une telle démarche, l’ancien journaliste et auteur de livres sur la nature mobilise ses talents de pédagogue pour témoigner de son expérience.
À quelles contraintes avez-vous dû faire face pour obtenir la certification ISO 14001 ?
À celles que nous avons décidé de nous imposer. Pour un éditeur, il n’existe aucune contrainte réglementaire. Contrairement aux papetiers, aux imprimeurs, aux transporteurs, nous n’avons pas d’obligations de type « installation classée ». Il s’agit donc d’une démarche entièrement volontaire, impliquant les objectifs que nous nous fixons nous-mêmes. Nous nous sommes engagés à améliorer le bilan environnemental de notre activité, bien sûr. Mais ensuite, tout dépend du niveau d’exigence que nous posons.
Et comment avez-vous déterminé ce niveau d’exigence ?
La norme ISO 14001 implique une approche globale. Elle porte sur tous les processus de travail et de fabrication. Nous avons regardé tous les curseurs, puis nous avons choisi ceux sur lesquels nous pensions pouvoir agir. Une notion essentielle de la norme est celle d’amélioration continue. Fin 2008, nous ferons un premier bilan et nous définirons de nouveaux objectifs.
Cette notion ne constitue-t-elle pas la principale difficulté ?
La difficulté et l’intérêt ! En matière d’environnement, le parfait n’existe pas. Parler de « livre écologique », comme de « voiture écologique », est une aberration ! Il y aura toujours des curseurs sur lesquels nous pourrons agir. Nous pourrons toujours consommer moins de papier, d’énergie… Aujourd’hui, pour autant que je sache, le pelliculage passe encore obligatoirement par l’emploi de matières plastiques – les vernis acryliques ne peuvent pas toujours les remplacer. Mais il y a des recherches en cours. Dans un an, deux ans, de nouvelles techniques seront au point, et nous pourrons améliorer notre bilan environnemental sans perdre en qualité.
Quels sont donc les domaines dans lesquels vous avez choisi d’agir en priorité ?
Pour la première année, nous avons mis l’accent sur l’utilisation exclusive de papier certifié PEFC ou FSC et d’encres d’origine végétale, et sur la distance maximale de 800 kilomètres avec nos fournisseurs. L’année prochaine, nous comptons nous occuper très sérieusement de la question des stocks. En fait, nous avons déjà commencé à y travailler avec notre diffuseur : nous ne faisons pas d’offices, nous poussons la prise de commande en amont, nous effectuons un tri rigoureux des retours. Il reste un faible volume d’exemplaires pilonnés, mais nous le traitons avec une société de recyclage. Tout cela constitue un début de solution ; une vraie réflexion reste à mener sur ce sujet. Finalement, on s’aperçoit que le bon sens économique correspond au bon sens environnemental. Avec la norme ISO 14001, on va toucher à des points sensibles : les retours, le transport… et on va rejoindre la réflexion sur la surproduction.
Tout cela semble représenter beaucoup de travail supplémentaire…
Oui et non. Il y a eu beaucoup de travail pendant la phase d’élaboration, de juin à décembre : la norme demande que l’on fasse un état des lieux et que l’on formalise un certain nombre d’aspects environnementaux. Il a donc fallu faire un bilan et des enquêtes auprès de nos fournisseurs. C’est sans doute plus lourd, proportionnellement, pour une TPE [très petite entreprise] comme la nôtre que pour une PME. Pour cette phase de mise en œuvre, nous nous sommes fait accompagner par une consultante, Perennis Conseil. Mais maintenant que nous sommes dans la démarche, nous faisons le même travail qu’avant, simplement nous intégrons de nouveaux critères. L’ISO 14001 est une norme de management environnemental. Il n’y a pas de surcoût de travail, mais une nouvelle façon de travailler. Il y a aussi la veille et le temps que vous consacrez à communiquer sur votre démarche.
La veille porte essentiellement sur les nouvelles techniques. Pour nous, elle ne représente pas un gros investissement. En ce qui concerne la communication, c’est quelque chose d’important pour moi. J’ai envie de dire aux autres éditeurs que s’engager dans une démarche globale de protection de l’environnement, c’est possible ! À part l’investissement de départ (12 800 euros, audit compris, moins 4 000 euros d’aides du Conseil régional Midi-Pyrénées et de l’Ademe), ça ne pèse pas, ni en travail ni sur le plan économique. Le papier certifié, les encres à base d’huiles végétales ne coûtent pas plus cher. En tant que TPE, nous allons même y gagner : la norme nous a incités à prendre le temps de nous organiser de manière plus serrée, et nous allons réduire nos coûts, en achetant nous-mêmes notre papier par exemple.
Existe-t-il des outils, des ressources documentaires sur lesquelles peut s’appuyer un éditeur souhaitant entreprendre une telle démarche ?
Sur les aspects liés à la profession, pas à ma connaissance. Il n’y a pas de sources officielles, ni d’organisme qui centraliserait les informations. Aujourd’hui, on parle d’environnement, il y a beaucoup de messages déclaratifs. Mais j’ai été étonné de constater que même les personnes référentes, par exemple en ce qui concerne les papiers PEFC et FSC, ont encore un discours flou sur certains points. Pour ma part, j’ai recueilli des informations partout où j’ai pu. J’ai parlé avec les imprimeurs et les papetiers, qui sont plus avancés dans la démarche que les éditeurs. Nous avons décidé de ne pas utiliser de papier recyclé parce que le désencrage n’a pas un bon bilan écologique. À un moment donné, il faut faire un choix. On tranche alors pour le « moins pire ». Pour le bilan carbone, l’Ademe propose un bon outil. Mais quand nous avons entrepris d’établir le premier bilan carbone d’un de nos livres nous nous sommes aperçus qu’il était très difficile de remonter jusqu’à la pâte à papier. D’une manière générale, ce n’est pas que les informations soient cachées, c’est juste qu’elles ne sont pas collectées avec rigueur.
Quels avantages tirez-vous de cette certification ?
D’abord la satisfaction d’être cohérent. Ensuite, je fais le pari que nous allons réellement faire baisser notre poids environnemental. J’y vois aussi une amélioration de la qualité : grâce à ce cadre, on se pose des questions qu’on n’avait pas pris le temps de se poser avant. En termes d’image, je ne crois pas que la certification nous fasse vendre plus de livres, mais nos livres seront plus appréciés par ceux qui les auraient achetés de toute façon. Cela dit, notre diffuseur nous a parlé d’un libraire parisien qui avait l’intention de prendre trois exemplaires d’un de nos livres et qui en a pris six quand le commercial lui a expliqué notre démarche. Et puis j’ai le pressentiment que nous sommes en avance dans un domaine qui va devenir important. J’attends avec impatience le prochain éditeur certifié ISO 14001 dont la ligne éditoriale n’aura rien à voir avec l’environnement.
Justement, que diriez-vous à ceux qui souhaiteraient vous emboîter le pas ?
Je leur dirais que c’est possible, la norme n’est pas un monstre, que c’est passionnant et que c’est nécessaire. Et qu’il vaut mieux être accompagné.
Pour en savoir plus : http://www.plumedecarotte.com/
(source ASFORED)
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