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LA CORRESPONDANCE DE FLAUBERT EN LIGNE

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Message  Admin Lun 4 Fév - 18:21

LA CORRESPONDANCE DE FLAUBERT EN LIGNE Gfac0

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Lettre de Flaubert à Maupassant
23 juin 1879
Aut. BM Melun, fonds Auguste Vincent,
D 23113.

Flaubert, Correspondance V
Gallimard, La Pléiade, 2007
À sa nièce Caroline

[Croisset,] mardi, 3 h[eures 13 juin 1876].

Ma chère Caro,

Me voilà revenu dans mon pauvre vieux Croisset, que j’ai trouvé en très bon état, et prêt à y piocher de toutes mes forces.
Mon voyage s’est passé dans la compagnie d’Anglais stupides qui ont joué aux cartes tout le temps. Je lisais des journaux qui relataient les funérailles de ma vieille amie, et le trajet ne m’a pas semblé long. Arrivé à Rouen, afin d’éviter la vue des boulevards et celle de l’Hôtel-Dieu, j’ai fait prendre à mon fiacre la rue Jeanne-d’Arc. Sur le port j’ai vu Pilon, et un peu plus loin le sieur Hurbain !
Émile m’attendait. Avant de défaire mes cantines, il a été me tirer une cruche de cidre que j’ai entièrement vuidée, à sa - grande terreur, car il me répétait : « Mais monsieur va se faire mal. » Elle ne m’a point fait de mal.
Au dîner j’ai revu avec plaisir la soupière d’argent et le vieux sucrier. - Le silence qui m’entourait me semblait doux et bienfaisant. Tout en mangeant, je regardais tes bergeries au-dessus des portes, ta petite chaise d’enfant, et je songeais à notre pauvre vieille, mais sans peine, - et plutôt avec douceur. Je n’ai jamais eu de rentrée moins pénible.
Puis j’ai rangé ma table. Je me suis couché à 12 h[eures], j’ai dormi jusqu’à neuf. Ce matin j’ai fait un tour dans le jardin, et j’ai causé avec Chevalier qui m’a fait des récits pittoresques des inondations, et je vais me remettre tout à l’heure à mon Histoire d’un cœur simple.
Que veux-tu que l’on fasse du portrait de Fauvel ? Il est tellement déchiré qu’il n’est bon qu’à brûler. À qui ton mari me conseille-t-il d’acheter de l’eau-de-vie ? Il n’y en a plus qu’une goutte, pas plus de rhum.
J’ai fait mettre un des bancs de Pissy dans le Mercure, dont la haie est refaite à neuf. - Enfin, pauvre chat, il me semble que tout est comme autrefois, et je ne pense nullement à l’exécrable on.
La première fois que j’irai à Rouen, j’irai voir Mlle Julie. Mais elle m’embarrasse, ou plutôt j’ai peur qu’elle ne m’embarrasse - car elle est encore malade. Et Émile témoigne une grande répugnance à la soigner. Il paraît qu’Achille a été la voir très souvent cet hiver. - Quelle conduite dois-je tenir ?
Adieu, pauvre chère fille. - Bonne santé, bon moral, bonne peinture.
Je t’embrasse bien fort.
Ton Vieux - affectueux - oncle.
À Ivan Tourgueneff

Croisset, dimanche soir, 25 juin [1876].

Comme j’ai sauté hier matin sur votre lettre, mon bon cher vieux, en reconnaissant votre écriture ! Car je commençais à m’ennuyer de vous fortement ! - Donc, après nous être embrassés, causons.
Je suis contrarié que vous le soyez à propos de vos affaires d’argent et de vos craintes sur votre santé. Espérons que vous vous trompez et que la goutte vous laissera tranquille.
La mort de la pauvre mère Sand m’a fait une peine infinie. J’ai pleuré à son enterrement comme un veau, et par deux fois, la première en embrassant sa petite-fille Aurore (dont les yeux ce jour-là ressemblaient tellement aux siens que c’était comme une résurrection) - et la seconde, en voyant passer devant moi son cercueil. Il y a eu là de belles histoires ! Pour ne pas blesser « l’opinion publique », l’éternel et exécrable on, on l’a portée à l’église ! Je vous donnerai les détails de cette bassesse. J’avais le cœur bien serré ! Et j’ai eu positivement envie de tuer M. Adrien Marx. Sa seule vue m’a empêché de dîner, le soir, à Châteauroux.
Oh ! La tyrannie du Figaro ! Quelle peste publique ! J’étouffe de rage en songeant à ces cocos-là ! Mes compagnons de route, Renan et le prince Napoléon, ont été charmants, celui-là parfait de tact et de convenance et il a vu clair, dès le début, mieux que nous deux. Vous avez raison de regretter notre amie, car elle vous aimait beaucoup et ne parlait jamais de vous qu’en vous appelant « le bon Tourgueneff ». Mais pourquoi la plaindre ? Rien ne lui a manqué. - Elle restera une très grande figure.
Les bonnes gens de la campagne pleuraient beaucoup autour de sa fosse. Dans ce petit cimetière de campagne, on avait de la boue jusqu’aux chevilles. Une pluie douce tombait. Son enterrement ressemblait à un chapitre d’un de ses livres.
Quarante-huit [heures] après, j’étais rentré dans mon Croisset où je me trouve étonnamment bien ! Je jouis de la verdure, des arbres et du silence d’une façon toute nouvelle ! Je me suis remis à l’eau froide (une hydrothérapie féroce) et je travaille comme un furieux. Mon Histoire d’un Cœur simple sera finie sans doute vers la fin d’août ? - Après quoi, j’entamerai Hérodias ! Mais que c’est difficile ! nom de Dieu, que c’est difficile ! Plus je vais et plus je m’en aperçois. Il me semble que la Prose française peut arriver à une beauté dont on n’a pas l’idée ? Ne trouvez-vous pas que nos amis sont peu préoccupés de la Beauté ? Et pourtant il n’y a dans le monde que cela d’important !
Et bien, et vous ? Travaillez-vous ? Et Saint Julien avance-t-il ? C’est bête comme tout ce que je vais vous dire, mais j’ai envie de voir ça imprimé en russe ! Sans compter qu’une traduction faite par vous « chatouille de mon cœur l’orgueilleuse faiblesse », seule ressemblance que j’aie avec Agamemnon.
Quand vous êtes parti de Paris, vous n’aviez pas lu le nouveau bouquin de Renan ? Il me paraît charmant. « Charmant » est le mot propre. Êtes-vous de mon avis ? Du reste, depuis quinze jours, j’ignore absolument ce qui se passe dans le monde, n’ayant pas lu une seule fois le moindre journal. Fromentin m’a envoyé son livre sur Les maîtres d’autrefois. Comme je connais fort peu la peinture hollandaise, il manque pour moi de l’intérêt qu’il aura pour vous. C’est ingénieux, mais trop long, trop long ! Taine me paraît exercer une grande influence sur ledit Fromentin. - Ah ! J’oubliais ! le poëte Mallarmé (l’auteur du Faune) m’a cadotté d’un livre qu’il édite, Vathek, conte oriental écrit, à la fin du siècle dernier, en langue française, par un anglais. - C’est drôle.
J’entre en rêverie (et en désirs) quand je songe que cette feuille de papier va aller chez vous, dans votre maison - que je ne connaîtrai jamais ! Et je me dépite de n’avoir pas de votre entourage une idée nette. Si vous avez chaud là-bas, ici il ne fait pas froid. Toute ma journée se passe les jalousies closes, dans la compagnie exclusive de moi-même. Aux heures des repas, j’ai pour me distraire la vue de mon fidèle Émile et de mon lévrier.
Ma nièce, à qui je transmettrai votre bon souvenir, s’en va à la fin de ce mois aux Eaux-Bonnes avec son mari. - Et je ne bougerai d’ici qu’à la fin de septembre, pour assister à la Ire de Daudet. Mais à cette époque vous serez revenu depuis longtemps aux Frênes ? Vous apprendrez avec plaisir que les affaires de mon neveu ont l’air de prendre une bonne tournure. Il y a du moins un peu d’azur à l’horizon. Oui, mon bon vieux, tâchons, en dépit de tout, de nous tenir le bec hors de l’eau. Soignez-vous bien, bonne pioche, et prompt retour.
Je vous embrasse tendrement et fortement.
Votre.

Écrivez-moi, hein ?
À Guy de Maupassant

[Croisset, 22 juillet 1877.]

Jeune Lubrique,
Laporte, présentement, n’a pas de petits lévriers - l’époque des « chaleurs » étant passée (pour les chiens : vous n’en êtes pas un). Il faut attendre l’automne - je crois ?
En tout cas, je transmettrai votre requête audit sieur, la semaine prochaine et vous aurez une réponse catégorique.
Modérez votre vit. Et tenez-vous en joye et labeur. Votre vieux

GVE FLAUBERT
vous embrasse.

J’ai fini ma médecine ! Ouf ! - Et je prépare la géologie.
Dimanche matin ?
Écrivez-moi un peu - (et longuement) pour me distraire dans ma solitude.
À Camille Lemonnier

[Croisset, 3 juin 1878].

Monsieur, et trop aimable confrère,
Je viens de lire avec beaucoup d’intérêt votre travail sur Courbet. C’est ça ; ce qui veut dire que je pense absolument comme vous.
Un mot profond m’a fait rêver : « Il n’a pas eu la peur sacrée de la Forme. » Rien de plus juste. - Et c’est pourquoi cet habile homme n’était pas des plus grands. Ce qui me déplaît en lui c’est le côté charlatan. Du reste, je n’aime les doctrinaires d’aucune espèce. À bas les Pions !
Loin de moi ceux qui se prétendent réalistes, naturalistes, impressionnistes. Tas de farceurs, moins de paroles et plus d’œuvres !
Je repousse, cher Monsieur, l’exagération de vos éloges, mais j’accepte l’assurance de votre sympathie - vous serre la main cordialement, et suis votre

Croisset, près Rouen.
Lundi soir 3 juin.
À Guy de Maupassant

[Croisset, 22 ou 23 janvier 1880].

Mon chéri,
Le titre est bon. « Des vers, par G. de M. ». Gardez-le !
Je doute que ma lettre à Mme Charpentier vous serve à quelque chose ? Elle a dû lui parvenir le jour même de son accouchement ? Et son époux était alité, détail que j’ai su par Mme Régnier. - Mais c’est samedi que paraît le commencement du Château des Coeurs, - après quoi j’écrirai audit Charpentier « lui-même ». - Et lui reparlerai de vous. - Mais allez souvent dans sa boutique ! Assommez-le ! Importunez-le ! Fatiguez-le ! C’est là la méthode. À force d’embêter les gens, ils cèdent.

Je compte sur vous (si pecunia licet) pendant les jours gras, c’est-à-dire dans une quinzaine. - Arrangez-vous pour passer ici au moins un jour plein. - Et prévenez-moi un peu d’avance.
Maintenant, je prépare mon dernier chapitre : l’éducation. Si je pouvais fouiller dans la bibliothèque de votre Ministère, j’y trouverais, j’en suis sûr, des trésors ! - Mais par où commencer les recherches ? Il me faudrait des choses caractéristiques comme programmes d’études - et comme MÉTHODES. Je veux montrer que l’Éducation, quelle qu’elle soit, ne signifie pas grand-chose, et que la Nature fait tout, ou presque tout.
Avez-vous un catalogue de votre bibliothèque ? Parcourez-le. Et voyez ce qui peut me servir. Si je vous lisais mon plan, vous verriez ce qui me conviendrait. Il sera fait dans une quinzaine. Tenez-moi au courant de ce qui vous concerne chez Charpentier. Et pensez à moi.
Caroline est venue ici samedi, et en est repartie ce matin.
Je vous embrasse tendrement.
Votre vieux.

N.B. Je ne sais pas du tout en quels termes faire ma demande à M. Turquet. Envoyez-moi un modèle.
Un buste de L. Bouilhet que doit faire M. Guillaume pour orner une fontaine qui sera encastrée dans la nouvelle bibliothèque de Rouen - buste et fontaine érigés par souscription publique. Là-dessus, réponse très prompte.
On me talonne.

Pour les notes et variantes, consulter la Correspondance V (janvier 1876-mai 1880), Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2007

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