COMMENT LES EDITEURS SELECTIONNENT LES MANUSCRITS
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COMMENT LES EDITEURS SELECTIONNENT LES MANUSCRITS
Les éditeurs revendiquent une large part de subjectivité et disent souvent « j'édite ce que j'aime ».
Comment ce choix s'effectue t'il dans la réalité et comment s'intègre t'il dans l'identité d'une maison d'édition et de ses collections?.
Élisabeth Sébaoun, responsable de la fiction chez Bayard:
"Je pense avant tout au lecteur et j'essaye de mettre ma subjectivité en veilleuse lorsque je lis des manuscrits. Préalablement à ma lecture, j'effectue un premier tri selon que c'est un auteur que je connais déja ou un manuscrit « spontané ». Quoi qu'il en soit, un manuscrit est une aventure à part entière et chaque façon de lire est différente. Je m'interroge ensuite sur la place que l'ouvrage peut prendre : doit-il se placer dans notre catalogue ou serait-il mieux dans une autre maison d'édition ?
Françoise Mateu, responsable éditoriale de Syros et directrice des collections Tempo et Les uns, les autres, revendique sa subjectivité lors du choix. On doit, selon elle, être touché en tant que lecteur adulte. Donc beaucoup de choses entrent en compte : est-ce un « auteur-maison » (dans ce cas nous sommes plus indulgents) ? Le texte commence-t-il plus ou moins « vite » ? Y a-t-il une tension ? Une problématique ? Mais il n'y a pas que des questions de style et d'écriture. On doit en effet se demander si le texte « rentre » dans notre catalogue.
Catherine Bon, responsable du département littérature de Gallimard jeunesse, pense effectivement qu'il faut avant tout "aimer un texte pour bien le publier", c'est-à-dire bien accompagner le travail de l'auteur et soutenir le texte auprès des différents interlocuteurs. Ce métier est intuitif, il faut se fier à la notion de goût.
Quel est concrètement le dispositif mis en place ?
Chez Gallimard, trois lectures sont effectuées avant que le texte n'arrive au comité de lecture composé d'éditeurs de la maison ainsi que d'enseignants, de bibliothécaires, de libraires.
Comment sont choisis les membres du comité de lecture ?
Ce sont uniquement des relations personnelles.
"Chez Syros, il n'y a pas de comités de lecture", précise Françoise Mateu ."je lis tous les textes, puis les présélectionne. Il faut donc avoir l'art des bonnes introductions pour me donner envie de continuer la lecture de l'ouvrage. On m'a parfois reproché cette subjectivité. Mais les questions restent : cela me plaît-il ? Suis-je apte à le publier ? Suis-je le meilleur éditeur pour cela ? Vouloir à tout prix éditer un texte qu'on aime alors qu'aucune collection n'est adaptée, cela peut desservir l'ouvrage du fait d'un manque de lisibilité. Malgré une superposition d'images, celle de la maison d'édition, de la collection et de l'auteur, tout doit être cohérent et faire sens."
"Chez Bayard, il n'y a pas non plus de comité de lecture, notre volonté est que les textes soient lus par des éditeurs et non par des bibliothécaires ou des enseignants", explique Élisabeth Sébaoun "l'éditeur sait s'il pourra défendre ce texte et ce qu'il faudra dire à l'auteur. La lecture précède la rédaction de fiches sur les ouvrages. Nous cherchons à savoir si le jeune trouvera du plaisir à la lecture ; nous faisons donc parfois abstraction de l'histoire".
Faites-vous des commandes aux auteurs ?
"Nous « invitons » des auteurs", répond Élisabeth Sébaoun "nous ne faisons pas de commandes, sauf dans le cadre des séries."
Catherine Bon confirme que la commande est rare dans le domaine de la fiction. "On y a surtout recours pour les documentaires."
"J'ai passé une commande une fois", affirme Françoise Mate "j'avais entendu une histoire qui me plaisait. Cela a été difficile pour l'auteur car contraignant et il se sentait investi d'une mission."
Faites-vous lire les manuscrits à des jeunes ?
"Nous profitons de la présence de stagiaires de 4e et de 3e", répond Élisabeth Sébaoun" mais on ne peut s'y fier, ils ont des engouements inexplicables."
"On peut effectivement discuter de la réception de tels ou tels textes avec de jeunes stagiaires mais ce n'est pas notre démarche", confirme Catherine Bon.
Y a-t-il des best-sellers de la littérature de jeunesse ? Quand considère-t-on qu'un ouvrage se vend bien ?
"Des livres entrent dans notre fonds et seront les classiques de demain, ce sont des long-sellers", répond Catherine Bon.
"Nous n'avons pas la même conception du succès", ajoute Françoise Mateu "chez Syros, un ouvrage retiré, c'est déjà un succès. Un ouvrage vendu à 5 000 exemplaires est un bon titre."
"Pour nous, cela dépend des collections", ajoute Catherine Bon. "un Folio junior touche un public large et peut se vendre de 10 à 20 000 exemplaires. Scrypto touche un public plus restreint et sera donc tiré à 6 000 exemplaires."
Avez-vous déjà censuré une partie d'un texte afin de renforcer sa cohérence avec votre ligne éditoriale ?
"J'ai déjà demandé des modifications mais cela n'était pas par rapport à une ligne éditoriale, c'était parce que le contenu me gênait," explique Françoise Mateu "quand j'ai un doute sur un texte que j'hésite à publier parce qu'il me heurte et me trouble, je prends l'avis d'autres professionnels. Par exemple, « Destin de femmes » dans la collection J'accuse a failli ne pas être publié ; or, ce livre a été primé ! "
Propos recueillis par Hélène Sagnet, chargée de projet du PNR Littérature de jeunesse et Francis Tourigny, directeur adjoint du CRDP de l'académie de Créteil.
DESS Édition Paris 13 (c)
Comment ce choix s'effectue t'il dans la réalité et comment s'intègre t'il dans l'identité d'une maison d'édition et de ses collections?.
Élisabeth Sébaoun, responsable de la fiction chez Bayard:
"Je pense avant tout au lecteur et j'essaye de mettre ma subjectivité en veilleuse lorsque je lis des manuscrits. Préalablement à ma lecture, j'effectue un premier tri selon que c'est un auteur que je connais déja ou un manuscrit « spontané ». Quoi qu'il en soit, un manuscrit est une aventure à part entière et chaque façon de lire est différente. Je m'interroge ensuite sur la place que l'ouvrage peut prendre : doit-il se placer dans notre catalogue ou serait-il mieux dans une autre maison d'édition ?
Françoise Mateu, responsable éditoriale de Syros et directrice des collections Tempo et Les uns, les autres, revendique sa subjectivité lors du choix. On doit, selon elle, être touché en tant que lecteur adulte. Donc beaucoup de choses entrent en compte : est-ce un « auteur-maison » (dans ce cas nous sommes plus indulgents) ? Le texte commence-t-il plus ou moins « vite » ? Y a-t-il une tension ? Une problématique ? Mais il n'y a pas que des questions de style et d'écriture. On doit en effet se demander si le texte « rentre » dans notre catalogue.
Catherine Bon, responsable du département littérature de Gallimard jeunesse, pense effectivement qu'il faut avant tout "aimer un texte pour bien le publier", c'est-à-dire bien accompagner le travail de l'auteur et soutenir le texte auprès des différents interlocuteurs. Ce métier est intuitif, il faut se fier à la notion de goût.
Quel est concrètement le dispositif mis en place ?
Chez Gallimard, trois lectures sont effectuées avant que le texte n'arrive au comité de lecture composé d'éditeurs de la maison ainsi que d'enseignants, de bibliothécaires, de libraires.
Comment sont choisis les membres du comité de lecture ?
Ce sont uniquement des relations personnelles.
"Chez Syros, il n'y a pas de comités de lecture", précise Françoise Mateu ."je lis tous les textes, puis les présélectionne. Il faut donc avoir l'art des bonnes introductions pour me donner envie de continuer la lecture de l'ouvrage. On m'a parfois reproché cette subjectivité. Mais les questions restent : cela me plaît-il ? Suis-je apte à le publier ? Suis-je le meilleur éditeur pour cela ? Vouloir à tout prix éditer un texte qu'on aime alors qu'aucune collection n'est adaptée, cela peut desservir l'ouvrage du fait d'un manque de lisibilité. Malgré une superposition d'images, celle de la maison d'édition, de la collection et de l'auteur, tout doit être cohérent et faire sens."
"Chez Bayard, il n'y a pas non plus de comité de lecture, notre volonté est que les textes soient lus par des éditeurs et non par des bibliothécaires ou des enseignants", explique Élisabeth Sébaoun "l'éditeur sait s'il pourra défendre ce texte et ce qu'il faudra dire à l'auteur. La lecture précède la rédaction de fiches sur les ouvrages. Nous cherchons à savoir si le jeune trouvera du plaisir à la lecture ; nous faisons donc parfois abstraction de l'histoire".
Faites-vous des commandes aux auteurs ?
"Nous « invitons » des auteurs", répond Élisabeth Sébaoun "nous ne faisons pas de commandes, sauf dans le cadre des séries."
Catherine Bon confirme que la commande est rare dans le domaine de la fiction. "On y a surtout recours pour les documentaires."
"J'ai passé une commande une fois", affirme Françoise Mate "j'avais entendu une histoire qui me plaisait. Cela a été difficile pour l'auteur car contraignant et il se sentait investi d'une mission."
Faites-vous lire les manuscrits à des jeunes ?
"Nous profitons de la présence de stagiaires de 4e et de 3e", répond Élisabeth Sébaoun" mais on ne peut s'y fier, ils ont des engouements inexplicables."
"On peut effectivement discuter de la réception de tels ou tels textes avec de jeunes stagiaires mais ce n'est pas notre démarche", confirme Catherine Bon.
Y a-t-il des best-sellers de la littérature de jeunesse ? Quand considère-t-on qu'un ouvrage se vend bien ?
"Des livres entrent dans notre fonds et seront les classiques de demain, ce sont des long-sellers", répond Catherine Bon.
"Nous n'avons pas la même conception du succès", ajoute Françoise Mateu "chez Syros, un ouvrage retiré, c'est déjà un succès. Un ouvrage vendu à 5 000 exemplaires est un bon titre."
"Pour nous, cela dépend des collections", ajoute Catherine Bon. "un Folio junior touche un public large et peut se vendre de 10 à 20 000 exemplaires. Scrypto touche un public plus restreint et sera donc tiré à 6 000 exemplaires."
Avez-vous déjà censuré une partie d'un texte afin de renforcer sa cohérence avec votre ligne éditoriale ?
"J'ai déjà demandé des modifications mais cela n'était pas par rapport à une ligne éditoriale, c'était parce que le contenu me gênait," explique Françoise Mateu "quand j'ai un doute sur un texte que j'hésite à publier parce qu'il me heurte et me trouble, je prends l'avis d'autres professionnels. Par exemple, « Destin de femmes » dans la collection J'accuse a failli ne pas être publié ; or, ce livre a été primé ! "
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